Si la tendance est à l’amélioration, les systèmes de climatisation ou réfrigération contiennent toujours des gaz à fort potentiel d’effet de serre. La moindre fuite pèse lourd dans le bilan climatique.
Une brève histoire du réfrigérant
La recherche de fraîcheur a accompagné l’architecture depuis ses débuts, à renfort de circulation d’air, de zones ombragées, d’évaporation d’eau. La climatisation n’a rien d’un confort moderne ! Les romains déjà utilisaient des tunnels d’aération qui circulaient sous terre pour apporter de l’air frais, ce qu’on appelle de nos jours un puits canadien…
Quelle ingratitude.
C’est en 1755 qu’on répertorie la première création de froid artificiel : le médecin et chimiste écossais William Cullen obtient de la glace en introduisant de la vapeur d’eau dans une cloche à vide.
Mais c’est un siècle plus tard, en Australie, que naît le principe de la réfrigération moderne : James Harrisson, imprimeur écossais (encore ?) remarque en nettoyant ses caractères à l’éther que le métal refroidit très sensiblement alors que le solvant s’évapore. Lui vient l’idée de compresser des gaz d’éther avec une pompe, de les laisser s’évaporer pour générer du froid, et de les compresser de nouveau, en circuit fermé : la réfrigération était née !
Harrisson et sa géniale invention firent tout de même faillite quelques années plus tard, puisqu’à l’époque il était encore plus avantageux d’importer en Australie de la glace naturelle venue d’Amérique. La mondialisation faisait déjà des ravages.
Géniale invention tout de même, car le principe de base est resté inchangé jusqu’à nos jours. Mais comme beaucoup d’autres progrès techniques, elle est à double tranchant. L’autre est environnemental.
Les fluides frigorigènes
L’éther des débuts a rapidement été remplacé par de l’ammoniac, plus efficace, et c’est ensuite tout un chapelet de fluides dits frigorigènes qui se sont succédé. Le problème que posent tous ces fluides, c’est qu’ils sont des gaz à effet de serre, très puissamment pour certains. Les plus connus d’entre eux sont les CFC (ChloroFluroCarbure). Dès les années 80, l’utilisation des CFC a été remise en question parce qu’ils détruisaient la couche d’ozone. À l’époque, ils servaient de gaz propulseur dans les sprays et étaient donc directement libérés dans l’atmosphère. Ils ont été remplacés dans les sprays, mais ont poursuivi leur carrière dans les systèmes réfrigérants… Les CFC sont (enfin) proscrits en Europe depuis 2015.
Le PRG, potentiel de réchauffement global
Le PRG est un indice qui permet de comparer l’influence des gaz dans le réchauffement climatique. Le CO2 a un PRG de 1, le méthane de 23, et il est de 10 700 pour les CFC. Les fluides frigorigènes actuellement les plus utilisés sont des HFC (HydroFluoroCarbure), parmi lesquels on trouve le R410 (PRG de 2088), le R404A (PRG de 3922) et surtout le R134a (PRG de 1430). Pour se faire une idée de l’impact que ces gaz peuvent avoir sur le réchauffement climatique quand ils sont libérés dans l’atmosphère, on peut établir un comparatif avec le CO2 rejeté par une automobile citadine standard, qui en produit 100gr par km.
Équivalences calculées pour une installation de climatisation domestique, qui contient en moyenne 1,5 kg de fluide frigorigène.
Polluant | Quantité | PRG | Équivalent en tonnes de C02 | Équivalent en km parcourus par une citadine |
R12 (CFC) | 1,5 | 10700 | 16,05 | 160 500,00 |
R404A | 1,5 | 3922 | 5,883 | 58 830,00 |
R134A | 1,5 | 1430 | 2,145 | 21 450,00 |
R410 | 1,5 | 2088 | 3,132 | 31 320,00 |
R290 | 1,5 | 3 | 0,0045 | 45,00 |
R600 | 1,5 | 4 | 0,006 | 60,00 |
R744 (CO2) | 1,5 | 1 | 0,0015 | 15,00 |
Équivalences calculées pour une installation de climatisation à grande échelle, avec 100 kg de fluides.
Polluant |
Quantité | PRG | Équivalent en tonnes de C02 | Équivalent en km parcourus par une citadine |
R12 (CFC) | 100 | 10700 | 1070 | 10 700 000,00 |
R404A | 100 | 3922 | 392,2 | 3 922 000,00 |
R134A | 100 | 1430 | 143 | 1 430 000,00 |
R410 | 100 | 2088 | 208,8 | 2 088 000,00 |
R290 | 100 | 3 | 0,3 | 3 000,00 |
R600 | 100 | 4 | 0,4 | 4 000,00 |
R744 (CO2) | 100 | 1 | 0,1 | 1 000,00 |
Réglementation et difficultés techniques
La réglementation européenne F-gas est en constante évolution. Depuis 2020, il n’est plus possible d’utiliser des fluides ayant un PRG supérieur à 2500. Le plafond sera de 1500 après 2025, et tombera à 150 en 2030. Le problème que posent généralement les gaz plus vertueux en termes de réchauffement climatique est qu’ils peuvent être toxiques, et parfois mortels à faible dose, inflammables (R600) … Leur maniement est donc plus délicat et toute fuite aurait potentiellement des conséquences graves. Peuvent aussi s’ajouter à ces difficultés des guerres commerciales, comme ce fut le cas il y a une dizaine d’années avec le 1234yf (PRG de 4 !), uniquement fabriqué par les chimistes Dupont et Honeywell (USA), que certains pays se refusaient à utiliser.
Vers des fluides naturels
Au-delà de 2030, toute installation frigorifique devra être alimentée par des fluides naturels, comme le CO2 ou l’ammoniac (PRG quasi nul). Mais là aussi des difficultés apparaissent : l’ammoniac a tendance à corroder les circuits, le CO2 est moins performant sur le plan énergétique. Et les deux imposent de changer intégralement le système de réfrigération, là où le simple changement du fluide pourrait suffire. Les HFC ont encore quelques beaux jours devant eux.
Des fluides en circuit fermé
Les fluides frigorigènes ne sont pas des consommables, comme les carburants. Une fois dans le système de réfrigération, ils sont en circuit fermé. La législation impose depuis 2000 qu’ils soient récupérés en cas d’intervention sur une installation, ou son changement.
Alors pourquoi retrouve-t-on ces fluides dans l’atmosphère de notre planète ?
Toute simplement à causes des fuites. Celles des systèmes installés, celles produites lors de la fabrication des gaz et celles provoquées par des interventions peu scrupuleuses sur les climatisations…
Les fuites que l’on peut quantifier, qui représentent sans doute une petite part du total, correspondent à un impact sur le climat supérieur à celui du Canada.
Le prix de la négligence
La climatisation d’une maison qui perd ne serait-ce que 20% de son gaz pendant une année, avec un fluide frigorigène respectant les dernières normes (le R22)…
5 400 km en voiture
Un installateur qui purge ce circuit et ne s’encombre pas avec la récupération…
27 000 km en voiture
Mettre un vieux frigo (qui contient 200g de CFC) dans une décharge sauvage…
23 000 km en voiture
Faire appel à un professionnel rigoureux pour toute intervention n’est pas qu’une question de bon sens.
Ça devient un acte citoyen….